Les limites du Score Unique en ACV

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Score unique PEF : quelles évolutions dans le temps ?

C’est quoi le score unique ?

L’Analyse de Cycle de Vie est une méthode de calcul d’impact environnemental d’un produit ou d’un service. Elle constitue notamment le socle méthodologique de l’affichage environnemental des grands produits de consommation envisagé en Europe et en France. L’ACV est une méthode multi-étapes, exhaustive et multi-critères. Elle n’en reste pas moins qu’une modélisation du réel qui présente, comme toutes modélisations, des lacunes, des arbitrages méthodologiques et une certaine vision du monde.

A des fins de communication et de présentation des résultats, les résultats complexes d’une ACV sont de plus en plus réduits en un Score Unique, une sorte de note environnementale. En Europe, la Commission Européenne propose une méthodologie harmonisée pour le calcul de ce score : le PEF. L’objectif de cet article est de montrer dans les très grandes lignes comment ce score est obtenu et les éléments méthodologiques qui feront évoluer sa valeur dans le temps.

Comment est obtenu le score unique ?

Après une modélisation ACV on obtient un ensemble de flux élémentaires correspondant aux prélèvements de ressources et émissions vers l’environnement nécessaire pour fabriquer un objet ou fournir un service (ex : émission de CO2 dans l’atmosphère, prélèvement de cuivre, usage des sols…). Ces flux sont très nombreux et impossibles à interpréter dans l’état.

Les flux élémentaires sont multipliés par des facteurs de caractérisation afin de les traduire en impacts potentiels sur une catégorie d’impact.

Par exemple 1kg CO2 émis dans l’atmosphère donne 1kg CO2 équivalent (unité pour l’impact sur le changement climatique) et 1kg de méthane émis dans l’atmosphère donne 29.8kg CO2 équivalent.

La méthode PEF a ainsi défini 16 catégories d’impact à calculer avant de les agréger en un score unique. 1e étape pour agréger les 16 indicateurs : la normalisation. Celle-ci permet d’avoir une unité commune pour les 16 catégories d’impact (ce qui permettra de les sommer ensuite).

Pour cela, la Commission Européenne a choisi de diviser chacun des 16 scores de catégories d’impact par l’empreinte environnementale annuelle d’un être humain sur la catégorie d’impact considérée. Cette étape reflète en quelque sorte la contribution de l’ACV de mon produit à l’empreinte environnementale annuelle d’un être humain.

Par exemple, l’empreinte carbone pour un passager sur un aller/retour Paris-New-York est de 1.6T CO2e. L’empreinte carbone annuelle moyenne d’un humain est de 7,6T CO2eq/an. Ainsi, ce vol correspond à 20% d’une empreinte moyenne annuelle.

Notez que la procédure de calcul n’intègre pas les notions de limite planétaire.

Enfin, les valeurs normalisées sont pondérées par des facteurs définis par la Commission européenne, qui traduisent d’une part l’importance relative qu’un panel représentatif de citoyens européens et de scientifiques internationaux accordent à chaque catégorie d’impact et d’autre part une appréciation sur le niveau de robustesse scientifique de chaque catégorie d’impact.

C’est à la fin de ce processus que l’on obtient une valeur d’impact données en « points » sur chacune des 16 catégories d’impact, que l’on peut sommer pour donner le « Score Unique PEF».

Le score unique PEF peut minimiser certains enjeux environnementaux actuels et/ou régionaux

De par sa construction, le score unique PEF pondère les enjeux environnementaux entre eux. Cette pondération a été établie en 2018. Les avis (des citoyens européens et scientifiques internationaux) sur lesquels elle repose ont pu évoluer depuis, tout comme la robustesse scientifique de chaque indicateur. Il est important d’avoir cela en tête lorsque l’on compare des scores uniques entre eux.

Par exemple, l’indicateur « Epuisement de la ressource en eau » aurait peut-être une pondération différente aujourd’hui. En raison, d’une part, de la multiplication des phénomènes de sécheresse en Europe et d’autre part, en raison des améliorations méthodologiques réalisées sur cet indicateur avec une meilleure prise en compte de la disponibilité réelle de l’eau par bassin versant.

Les résultats ACV (et donc le score unique PEF) peuvent varier alors que le produit ne change pas.

Une personne qui réalise une ACV utilise des informations contenues dans des bases de données publiques ou privées. Par exemple, il utilise une modélisation déjà faite par d’autres instituts de recherche des impacts d’1KWh d’électricité du mix électrique français plutôt que de faire lui-même cette modélisation.

Ces bases de données sont régulièrement mises à jour. Cela peut engendrer des modifications dans le score final d’un produit sans que rien n’est changé dans son procédé de fabrication. Ces modifications rendent compte de changements réels (ex : déploiement des énergies renouvelables) comme de changements méthodologiques (meilleure précision géographique, intégration de nouveaux flux de pollutions omis jusqu’à présent, correction d’erreur…).

Les deux bases de données les plus utilisées pour réaliser l’ACV des produits alimentaires français sont AGRIBALYSE (mise à jour tous les 18/24 mois) et ECOINVENT (mise à jour tous les ans). La méthode de caractérisation « Environmental Footprint » est recommandée par la Commission Européenne. C’est celle nous utilisons à ACTALIA Environnement. Elle donne les facteurs de caractérisation, normalisation et pondération qui influencent grandement la valeur finale du score unique. Les mises à jours de cette méthode sont assez peu fréquentes (version 3.0 en 2019, version 3.1 en 2022).

Détail procédure de calcul du score unique selon la méthode Environmental Footprint
Détail de la procédure de calcul du score unique selon la méthode Environmental Footprint de la Commission européenne

Ce qu’est et n’est pas le score unique et comment l’utiliser ?

Le score unique est :

  • Une évaluation environnementale résumée sous la forme d’un indicateur quantitatif d’échelle ouverte
  • Influencé par ce que le panel de citoyens européens et de scientifiques internationaux considérait comme urgent et important en 2018
  • Influencé par la robustesse des connaissances sur la quantification des impacts environnementaux des activités humaines
  • Comparable à un autre produit évalué sous les mêmes conditions (même version de base de données et méthode de caractérisation)
  • Une valeur qui peut évoluer car les bases de données et les méthodes de calcul évoluent
  • Influencé par un certain état du monde (démographie, stock actuel de ressources non-renouvelables, pollutions mondiales…)

Ce que n’est pas le score unique :

  • Une valeur absolue, immuable, neutre et objective d’empreinte environnementale
  • Une valeur qui permet de dire si le produit/service est écoresponsable
  • Une valeur qui permet de dire si le produit/ service est durable

A quoi le score unique peut servir 

  • Comparer des produits évalués sous les mêmes conditions
  • Comparer deux procédés évaluées sous les mêmes conditions

(Mais une analyse multi-critère est largement préférable dans les deux cas)

Ce que le score unique ne doit pas être

  • Un objectif. Nous identifions deux risques principaux si un tel objectif est recherché par les acteurs :
    • Comme les scores ne sont pas stables dans le temps : une dégradation de score liée à une évolution de la méthodologie pourra alors être perçue comme injuste et amener à un désinvestissement des acteurs.
    • Les innovations et actions en faveur de l’environnement qui ne sont pas intégrées aux méthodes de calcul d’impact pourront être délaissées.

Incertitude et variabilité

Nous venons de voir que le score unique était périssable car le monde change et que les connaissances scientifiques s’affinent.

Mais même sans cela, la méthode ACV évalue des impacts potentiels qui ne sont pas réellement mesurés. Il existe donc toujours une certaine incertitude (une partie des informations est manquante). Tout comme il existe une certaine variabilité (pour un même processus, de nombreux aléas peuvent faire varier les impacts environnementaux). Ainsi, il convient d’être prudent sur les conclusions lorsque deux produits aux scores proches sont comparés.